Un rapport annuel d’Eurofound analyse l’évolution des salaires minimum dans l’Union européenne. En hausse dans la plupart des pays, il apparait encore souvent comme insuffisant, et stagne désespérément en France.
Dans la plupart des pays européens le salaire minimum en termes réels (corrigé de l’impact de l’inflation) a augmenté entre 2023 et 2024 – de même que le pouvoir d’achat – alors qu’entre 2022 et 2023, il avait plutôt stagné. Telle est la première conclusion du septième rapport sur le salaire minimum en Europe publié par la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail (Eurofound). Cette agence de l’Union européenne pointe cependant quelques exceptions : en France et en Allemagne, le pouvoir d’achat stagne ou est en légère baisse (selon la méthode de calcul choisie), alors qu’il croît fortement en Pologne (+11%), Bulgarie (+11,5%), Croatie (12%), ou Irlande (+7,5%).
Les négociations de branche moins puissantes qu’un minimum national
Parmi les 27 états membres de l’Union européenne, tous ont un salaire minimum, mais seuls 22 le fixent au niveau national. L’Autriche, le Danemark, la Finlande, l’Italie et la Suède préfèrent fonder l’évolution du salaire sur des négociations collectives par branche ou secteur. Or le rapport montre que dans les pays où le salaire minimum n’est pas fixé au niveau national les négociations collectives débouchent sur des augmentations moindres et les pertes liées à la crise sanitaire depuis 2020 n’ont pas encore été totalement compensées. C’est ainsi qu’en Suède et en Italie le salaire minimum a décru en termes réels, quand en Autriche, au Danemark et en Finlande il a augmenté respectivement de 4% 3,5% et 3,2%.
En Europe, le niveau du salaire minimum est fixé différemment selon les pays. Le niveau du taux d’inflation demeure le critère le plus couramment utilisé (14 pays). Huit pays définissent également le salaire du bas de la grille en lien avec le salaire médian ou moyen. Six se fondent sur la croissance du PIB, six autres sur le taux de chômage, cinq sur les niveaux de productivité au travail et quatre sur le taux d’activité.
Des salaires encore souvent insuffisants
Sur le podium des salaires minimums bruts les plus élevés se positionne le Luxembourg (2571 euros), suivi de l’Irlande (2 146 euros) et des Pays-Bas (2 134 euros). La France arrive en sixième position. Mais lorsque ce niveau de salaire est mis en rapport avec coût de la vie dans chacun des pays il semble loin d’être suffisant. Ainsi 23% des travailleurs qui y sont assujettis (et 28 % de ceux qui vivent seuls) rapportent des difficultés à boucler leur budget. 10 % des Européens embauchés au salaire minimum estiment même avoir du mal à chauffer leur logement avec une telle rémunération.
Des différences considérables existent entre les pays : ainsi en Allemagne, Suède, Irlande, au Luxembourg et aux Pays Bas, moins de 10 % des travailleurs expriment ces difficultés, alors que 80 % des Grecs, 52 % des Croates et 45 % des Chypriotes constatent chaque mois que leur minimum est insuffisant. En France c’est le cas d’environ 26 % des travailleurs au Smic.
Parvenir à un niveau de vie décent et réduire la pauvreté au travail
De quoi s’interroger sur la portée potentielle de la directive européenne sur le salaire minimum, définitivement adoptée en octobre 2022. Elle doit être transposée dans chaque pays de l’Union avant la fin 2024. Elle n’oblige pas l’instauration d’un salaire minimum national dans chaque pays, tant que la négociation collective de branche y est soutenue. Elle précise cependant que le salaire minimum doit être fixé dans le but de parvenir à un niveau de vie décent et pour réduire la pauvreté au travail.