En pleine colère du monde agricole, Bruno Le Maire et Marc Fesneau annoncent le doublement des contrôles de la DGCCRF dès la semaine prochaine, amende à la clé, à hauteur de 2% du chiffre d’affaires. Objectif : faire respecter la loi Egalim par les industriels et les distributeurs.
Une fois n’est pas coutume, Bruno Le Maire, ministre de l’Economie, des Finances et de la souveraineté industrielle et numérique, avait fait le déplacement au ministère de l’Agriculture, rue de Varenne, pour donner encore plus de solennité aux annonces. Face à la révolte des agriculteurs qui dénoncent, entre autres, le non-respect de la loi Egalim et à cinq jours de la clôture des « négos » entre les industriels et la grande distribution, la tenue d’un troisième comité de suivi des négociations commerciales prend d’autant plus d’importance. A l’issue de la réunion à laquelle participaient des représentants des industriels, de l’agriculture et de la grande distribution, Bruno Le Maire a commencé par rappeler le principe même de cette loi dont la dernière version remonte à 2023 : « Il n’y pas de souveraineté alimentaire sans juste revenu des agriculteurs. La réponse porte un nom : Egalim, une spécificité française. Nous voulons veiller au respect strict et rigoureux de toutes ses dispositions. »
Amende de 2% du chiffre d’affaires
Et pour faire appliquer la loi, le gendarme de Bercy s’appelle la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, consommation et répression des fraudes). « Depuis plusieurs jours, nous avons multiplié les contrôles qui ont fait apparaître des infractions de la part des industriels en aval de la formation des prix comme de certains distributeurs en amont. » Et d’annoncer le doublement de ces contrôles dès la semaine prochaine. Les injonctions seront envoyées lundi et les récalcitrants auront cinq jours pour s’y conformer, faute de quoi ils se verront appliquer une amende équivalent à 2% de leur chiffre d’affaires. « Je serai intraitable. Il n’est pas normal que certains accords ne comprennent pas de clause de révision automatique des prix par exemple », a promis le ministre. Une première réponse aux agriculteurs qui accusent certains industriels, notamment dans le lait, de ne pas leur reverser les quelques centimes de hausse, ou des enseignes de ne pas appliquer Egalim. Lesdits industriels –Lactalis est pointé du doigt par les agriculteurs- fustigent alors les distributeurs, accusés de pas respecter la sanctuarisation du prix de la matière première agricole (MPA). Ces derniers expliquent alors ne pas négocier directement avec les agriculteurs. Interrogé à la sortie par BFMTV, Michel Biero dit n'avoir "aucun problème avec les contrôles". "Il faut de la fermeté. Je n'ai pas de problème à ce qu'on vienne me contrôler. Je ne discute que la matière première industrielle, mais il faut aussi que la MPA soit respectée par les industriels." Représentant 3000 PME et transformateurs de l'agro-alimentaire, Jérôme Foucault, président de l'Adepale, présent également ce matin, regrette que "les distributeurs ne prennent pas en compte la totalité des coûts agricoles. Les industriels jouent leur rôle dans leur capacité à absorber les baisses et les hausses, mais ne peuvent pas tenir longtemps s'ils ne peuvent pas répercuter les prix des MPA et des MPI".
« Contournements »
Ce 26 janvier, Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture et de la souveraineté alimentaire, a évoqué les « contournements d’Egalim et les doubles discours ». « Nous voulons faire respecter Egalim à la lettre. Il n’est pas normal que le porc soit vendu à moins de deux euros le kilo, pas normal non plus que certains aillent chercher les produits à l’extérieur des frontières. » Et de conclure : « nous avons besoin d’opérateurs responsables et patriotes. Aller dire ça sur les plateaux de télé et ne pas respecter la loi, ce n’est pas correct. » Les patrons les plus médiatiques de la grande distribution ont dû se sentir visés. Ce matin, ils avaient envoyé leurs délégués : Marie de Lamberterie, secrétaire générale de l’ACDLec (pour E.Leclerc), Jean-François Soudais, vice-président d’Intermarché, et Sylvain Ferry, directeur général pour U. Seul Michel Biero, président de Lidl et habitué des "plateaux" était là.
De son côté, Jacques Creyssel, délégué général de la FCD (Fédération des entreprises du commerce et de la distribution), qui a participé au comité de suivi de ce jour, déplore un « manque de transparence ». « Il faudrait que la contractualisation de premier niveau, entre les producteurs et les transformateurs soit généralisée. Or, il y a trop d’exceptions. Il est aussi anormal que des négociations de deuxième niveau, entre les industriels et les distributeurs, puissent avoir lieu alors même que la première n’est pas terminée. » Enfin, à ses yeux, il faudrait que les industriels renoncent à utiliser l’option 3 (pour rappel, ils ont le choix entre trois options lors d’une négociation commerciale), la « moins transparente ». « Dans la moitié des cas, il n’y a pas de certification des commissaires aux comptes », conclut Jacques Creyssel. Le résultat des contrôles qui seront menés la semaine prochaine et le nombre de saisines du Médiateur, qui sera rendu public en mars, serviront de juges de paix. Peut-être.
Magali Picard